[Roman] Le temps n’est rien

The time traveler’s wife
Audrey Niffenegger
Éditions Michel Lafon
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Nathalie Besse et Jean-Pascal Bernard
523 pages

Il arrive qu’un roman vous surprenne, vous réserve des plaisirs insoupçonnés, et vous envoûte, comme si son univers de papier vous happait tout entier.
Le temps n’est rien produit cet effet-là.

Sur l’instant, j’ai eu un intérêt modéré, ensuite seulement est venue la sublimation. Découverte grâce à son adaptation en série TV réalisée par David Nutter « The time traveler’s wife », l’histoire que nous raconte ce roman a su me séduire.

Audrey Niffenegger nous y présente Henry, un homme atteint depuis l’enfance de chrono-déficience, une maladie génétique le propulsant à travers l’espace-temps, et Claire, la femme qui l’aimera toute sa vie. Difficile de décrire plus avant cette histoire dont les méandres sont aussi sinueux que nombreux.

Particulièrement amatrice du concept de voyage dans le temps, le traitement ici quelque peu inédit du sujet m’a tout de suite intriguée. Mais plus qu’un récit de science-fiction, c’est une profonde histoire d’amour que l’on découvre, celle d’un couple défié par l’étrangeté. Et l’étrangeté, c’est bien ce qui ressort de ce roman. La relation que partagent Claire et Henry a ses propres codes : on les découvre à tous âges et des interrogations, des cas de conscience peut-être aussi sont à même de gagner la lectrice ou le lecteur quant à la convenance du lien si particulier qui les lie, notamment quand la complicité entre un Henry de quarante ans qui rendrait visite à une Claire de quinze ans semble aller au-delà de ce qui paraît acceptable… ceci dit on entre dans un contexte si particulier qu’il serait improductif de vouloir donner un sens à ce que l’on découvre.

– Devoir subir des épreuves rend tout plus réel. C’est cette réalité qui m’intéresse. (Henry, « Le temps n’est rien »)

Audrey Niffenegger s’est impliquée dans l’écriture de son roman; bien que le rythme soit inégal et la chronologie forcément peu évidente à suivre, l’autrice n’oublie pas de songer aux détails inhérents au thème abordé avec l’intelligence de ne pas les pousser trop loin (les réflexions sur la physique cantique et tous les paradoxes associés au thème ne se font donc que dans notre esprit, totalement ignorés ici), mais surtout, elle fouille la psychologie de ses personnages. Ainsi, si l’histoire s’attarde souvent sur les allées et venues d’Henry à travers l’espace-temps, c’est bien Claire qui remplit les chapitres de son attente et de son inquiétude, insufflant la mélancolie qui habite chaque page. L’intensité des sentiments faisant vivre ce couple est au-delà des mots, en cela on peut même penser que l’autrice s’est laissée submerger par la puissance du lien passionnel qu’elle a créé : l’amour de Claire et Henry dépasse la force d’une description. Il existe, simplement, il est là et rien ne pourra changer cela. Comme l’évidence qui fait vivre un cœur, battement après battement, emplissent et vident nos poumons, respiration après respiration, Claire et Henry s’aiment. C’est hors de la compréhension logique que l’humain aime donner à toute chose. Après cette lecture, je me suis longtemps questionnée sur mon ressenti avant de me rendre compte que j’appréhendais cette histoire de la même manière que j’observe une œuvre d’art, la percevant avec la même curiosité fascinée, la même captation sensuelle que je peux avoir en contemplant L’Éternelle Idole de Rodin, par exemple.

(L’éternelle idole, Auguste Rodin; crédit photo : Les Surgissantes)

En somme, je pense qu’il me faudrait relire ce roman afin de saisir au vol ce sentiment indéfinissable qu’il a su insuffler en moi. Et je trouve ça fascinant.

L’étape la plus fascinante en matière d’art – et, je suppose, de création en général -, c’est celle où la pensée nébuleuse, intangible, s’incarne en un ici solide, une chose, substance parmi les substances. Circé, Artémis, Athéna, toutes les enchanteresses de jadis : elles ont dû éprouver ce sentiment lorsqu’elles changeaient les hommes en créatures fabuleuses, s’appropriaient les secrets des magiciens, mettaient en déroute des armées – ah, la voilà, la pensée incarnée. Que l’on appelle ça un pourceau, une guerre, un laurier. Que l’on appelle ça de l’art. La magie que je pratique à présent est du domaine de l’infime, du différé. Jour après jour, je m’escrime, mais rien ne se matérialise. Je me sens telle Pénélope, brodant et défaisant. (Claire, « Le temps n’est rien »)

Le Bonus

The time traveler’s wife, De toute éternité, Hors du temps (au cinéma), Le temps n’est rien, ce roman cumule les titres. Eh oui, je vous ai bien dit qu’il était indéfinissable !

2 réponses à « [Roman] Le temps n’est rien »

  1. Cette histoire m’intrigue beaucoup. Il faut vraiment que, au moins, je regarde la série.

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    1. C’est parfois un peu… plat. Mais il y a quelque chose d’intéressant là-dedans. C’est pour ça que j’aurais aimé une saison 2 pour la série… (je suis toujours fâchée contre eux ^^)

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